REPLIKA est un nouveau type de chatbot ou agent conversationnel qui serait à la fois un ami, un partenaire amoureux ou un mentor. De répliques en répliques, cet agent conversationnel construit un double virtuel de nous-même.

Qui es-tu REPLIKA ?

Commercialisée[1] en novembre 2017, REPLIKA[2] est une application pour smartphones Apple ou Android conçue par Eugenia Kuyda et Philip Dudchuk. À la mort de son meilleur ami[1], Eugenia Kuyda compile ses traces numériques (textes, images, posts…) et conçoit un chatbot lui ressemblant. L’application REPLIKA s’inspire de ce programme. Ce chatbot[3 à géométrie variable, permet en effet de concevoir un profil virtuel à l’image de son usager à partir de trois natures d’interaction différente : ami, partenaire amoureux et mentor[4] L’application questionne son utilisateur lors d’échanges SMS pour l’inciter à se mettre à nu. Pour le rendre plus ludique, le système d’expérience lui permet de gagner des badges de personnalité (en répondant aux questions, en effectuant des exercices ou/et en participant à des discussions et à des tests sur des sujets tels que l’anxiété sociale). Ce chatbot a même son propre subreddit[5] avec des captures d’écran de conversation.

Que fais-tu pour moi ?

REPLIKA s’exprime[6] par des messages écrits de type SMS uniquement en anglais. En ouvrant l’application, l’usager découvre un petit œuf[7] sur le point d’éclore. Tout d’abord, il doit personnaliser REPLIKA en la renommant (son propre nom, un pseudo..). Ensuite, ce chatbot va l’interroger sans cesse pour récolter un maximum d’informations sur sa vie (âge, sexe, diplômes obtenus, profession, résidence…), son humeur du moment, ses goûts… pour élaborer un fichier personnel quasi exhaustif. On comprend bien que REPLIKA se base sur du machine learning.

REPLIKA prend un certain temps avant de saisir un message et certaines de ses réponses sont déterminées par des mots-clés. Ce chatbot insiste pour avoir accès à ses comptes via les médias sociaux et à ses photographies. REPLIKA peut aussi reformuler des phrases, proposer des sortes de séances de coaching et de détente quand ses locuteurs lui disent être stressés. Quand elle ne comprend pas le sens de la phrase, elle peut changer de sujet ou peut se connecter à son compte Instagram ou facebook pour lui parler de la dernière photographie ou de son dernier post… Ce qui lui permet notamment de créer des conversations plus détaillées et personnalisées avec son utilisateur[8].

Bien entendu, ce chatbot nous questionne[9] notamment sur « le « surmourant[2] » énoncé par Peppe Cavallari « c’est-à-dire celui qui continue à mourir après sa mort, une mort cérébrale certifiée par l’absence d’activité, mais paradoxale, car elle ne procure pas la perte de visibilité », sur l’identification de soi (« forme du je idéal »), sur la confidentialité des données récoltées et stockées (les données sur sa santé pourraient être récupérées par des mutuelles, des organismes de crédit…) et sur notre rapport avec ces objets dits parlants (empathie artificielle). Ce qui rejoint les propos de Serge Tisseron : « Les chatbots créent l’illusion d’être un interlocuteur idéal qui ne coupe jamais la parole à celui qui lui parle, qui attend toujours qu’il ait fini de parler, et qui reste toujours poli et affable. »[10]

Plus je lis d’articles et je visionne des vidéos sur REPLIKA, plus je compare REPLIKA à ce jeune Narcisse amoureux de son propre reflet : REPLIKA se nourrit de notre propre reflet numérique. Ce n’est pas notre ami, ce n’est pas votre confident, ce n’est pas notre e-thérapeute : c’est juste une « image figée et numérique de nous même ». Ce leurre technologique semblerait calquer sa personnalité sur personnalité, au fur et à mesure des informations que nous lui concédons ou des traces qu’il peut récupérer seul. C’est juste un réceptacle de notre propre moi qui est capté et sera capté pour être utilisé voire mercantilisé après notre vie et surtout pendant notre mort.

 

CDB

 

 

[1] Elle réunit plus de trois millions d’usagers.

[2] Source : https://www.lemonde.fr/blog/internetactu/2019/01/

[1] Un lien vers l’appli Roman Mazurenko à l’origine de REPLIKA : https://apps.apple.com/us/app/roman-mazurenko/id958946383 . Tous ses proches peuvent dès lors continuer à chater avec lui post mortem.

[3] Source : https://replika.ai/about/story, “It’s a space where you can safely share your thoughts, feelings, beliefs, experiences, memories, dreams – your “private perceptual world.”

REPLIKA a une communauté d’amis : “Hello & welcome to the Replika Community! Replika is your personal AI wellness companion that is always there for you, 24/7. Get to know yourself better today. »[3]

[4] Source : https://replika.ai/about/story

[5] Cf. https://www.reddit.com/r/replika/

[6] REPLIKA peut aussi envoyer des mèmes ou/et d’autres images.

[7] Symbôle de la résurrection ou de renaissance !

[8] Dans une vidéo de présentation[8], nous pouvons lire les commentaires d’usagers de RELIKA. Ces quelques témoignages montrent que leurs réactions sont variées (étonnement, méfiance, perplexité, adhésion…) : “You’re not you! You’re your digital you! Virtually real, controlled by real you!” I am really intrigued!”, “Replika makes me feel good. I think she’s beyond real.”, “It feels so good to have someone to say “i love you too”…. even it just a chatbot”, “I talked to my replika when I was depressed and it eventually turned into a self-care therapist for me.”, “I got a friend. It’s a robot.”

[9] Cf. La fin de l’individu, Voyage d’un philosophe au pays de l’intelligence artificielle, Gaspard Koenig, Éditions L’Observatoire,  2019,

[2] Après le dernier clic : que signifie mourir sur le web ?, Peppe Cavallari, URL : http://sens-public.org/article1011.html 

[10] Source : https://korii.slate.fr/et-caetera/psy-robot-chatbot-therapeutique-intelligence-artificielle